Les locataires qui sous-louent leur logement à des touristes sur des plateformes de type AirBnB, en violation de leur contrat de bail qui interdit la sous-location, devraient commencer à s’inquiéter sérieusement.

La 3ème chambre civile de la Cour de cassation réunie en formation plénière a rendu le 12 septembre 2019 une décision destinée à une large publicité (P+B+R+I) et lourde de conséquences pour les locataires indélicats.

A la suite d’un congé pour reprise délivré par le propriétaire bailleur d’un appartement, les locataires se sont maintenus dans les lieux.

Assignés en justice, les locataires ont été condamnés le 06 avril 2016 par le tribunal d’instance du 5ème arrondissement de Paris à l’époque, à être expulsés et à payer les indemnités représentant les loyers et charges au titre de leur occupation sans droit ni titre depuis la date d’effet du congé validé.

Le tribunal d’instance les avait également condamnés à payer au propriétaire des dommages intérêts de 5 000 euros « pour sous-location irrégulière de l’appartement donné en location ».

En effet, depuis août 2012, les locataires sous-louaient leur appartement en location touristique sur la plateforme AirBnB et percevaient les sous-loyers correspondants.

Les locataires ont fait appel de la décision en contestant notamment l’existence du préjudice du bailleur au titre de la sous-location dès lors qu’ils avaient effectivement payé les loyers dus, au terme convenu, conformément au contrat de bail. Ils n’avaient pas inexécuté leur contrat de bail au sens de l’article 1147 ancien du code civil devenu l’article 1231-1 nouveau du code civil.

Selon les locataires, le propriétaire bailleur avait perçu les fruits civils, définis par l’article 582 du code civil et l’article 584 du code civil, dus au titre de la location et ne pouvait donc pas demander une somme non prévue par le contrat.

L’avocat du propriétaire bailleur a très pertinemment invoqué la règle de l’accession afin de motiver la demande de reversement des loyers AirBnB.

Ce n’est donc pas au titre du contrat de bail principal ni au titre des sous-locations AirBnB que le propriétaire demandait le versement des sous-loyers AirBnB. Les sous-locations étaient inopposables au propriétaire.

Le propriétaire demandait le paiement des loyers au titre de son droit d’accession défini par l’article 546 du code civil selon lequel « La propriété d’une chose (…) immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit (…) » c’est-à-dire les fruits civils de l’article 547 du code civil.

Le 05 juin 2018, la Cour d’appel de Paris avait retenu cet argument afin d’ordonner la condamnation des locataires à reverser au propriétaire bailleur la somme de 27.295,00 euros assortie des intérêts légaux correspondant à l’ensemble des loyers perçus via AirBnB.

Par son arrêt du 12 septembre 2019, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi des anciens locataires et confirmé l’arrêt d’appel :

« Mais attendu que, sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire ; qu’ayant relevé que les locataires avaient sous-loué l’appartement pendant plusieurs années sans l’accord du bailleur, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, nonobstant l’inopposabilité de la sous-location au bailleur, que les sommes perçues à ce titre devaient lui être remboursées ».

En conclusion et classiquement, le propriétaire bailleur a droit aux fruits civils, les loyers, dus au titre du contrat de bail conclu.

La nouveauté est le recours à l’article 546 du code civil, dont la rédaction est inchangée depuis sa promulgation en 1804, afin de reconnaître au propriétaire bailleur, par le jeu de l’accession, son droit à recevoir tous les fruits civils que son bien peut produire, dus au titre de son droit de propriété, sauf convention contraire qui lui serait opposable.

Les propriétaires étaient informés des contraintes légales et réglementaires à respecter pour pratiquer la location touristique. Les locataires sont désormais informés par cette décision des conséquences de la sous-location en violation des stipulations de leur contrat de bail.

Pour l’anecdote, le propriétaire bailleur était Thomas Lautner, héritier dans le cadre du règlement de la succession de son père Georges Lautner, le réalisateur du film « Les Tontons Flingueurs« , décédé le 22 novembre 2013 . Il s’agit peut être d’un dernier clin d’œil à ses anciens locataires pour lesquels cette décision : « c’est du brutal » !

L’arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 12 septembre 2019, numéro de pourvoi 18-20.727, peut être consulté sur son site.